Croyez-vous que le théâtre se soit vraiment démocratisé ?
Oui, mais il reste encore beaucoup à faire. Il n’y a pas de raison pour que cet art soit sanctuarisé, considéré comme un langage à part. D’ailleurs, comment penser le théâtre en dehors de la société dans laquelle il est produit ? Jean Vilar disait que la société a le théâtre qu’elle mérite... Je pense qu’aujourd’hui le théâtre peut prendre en écharpe la culture de masse dans une logique de complémentarité analytique, en fournissant des éléments de compréhension et d’interprétation qui permettent au spectateur de mieux appréhender, entre autres, le système médiatique et la société de consommation.
Toutefois, la question de la démocratisation du théâtre ne doit pas faire oublier celle de son élitisme nécessaire. On a tendance à oublier que le théâtre s’adresse aussi aux élites, à ceux qui dirigent le pays aujourd’hui ou le dirigeront demain, à ceux qui ont déjà des responsabilités ou seront amenés à en prendre. Or c’est aussi avec eux que nous dialoguons. La voie hiérarchique de la pensée peut également être une voie démocratique : lorsque un philosophe écrit, il écrit peut-être pour trois cent cinquante personnes, et pourtant sa pensée peut avoir une portée fondamentale en influençant l’ensemble de la société par capillarité, comme le dit Claude Régy. Pourquoi n’aurait-on pas le droit de le faire au théâtre ? Il y a eu en France des rencontres historiques entre théâtre et politique, le théâtre s’appropriant certains grands sujets de société qui tout d’un coup ébranlaient le monde politique. Les Paravents de Genet en sont un exemple. La pièce n’a pas directement touché les classes populaires, qui n’étaient pas dans la salle de l’Odéon en avril 1966. Ce texte sur la guerre d’Algérie a été joué devant la classe dirigeante, au sein de son institution. Le côté efficace, politique du théâtre réside là aussi.
>> Faire revenir les élites dans les salles : une idée forte qui fait son petit bonhomme de chemin, comme on a pu le constater dans divers interviews durant le Festival.
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