samedi 11 avril 2009


Rebâtir du commun avec de l'inconnu


Lettre ouverte au membres de la Communauté de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse

Chers collègues,

plusieurs d'entre vous m'ont demandé cette semaine pourquoi je m'étais mise en marge du "mouvement". C'est probablement ma façon d'être en colère. C'est certainement prendre du recul pour éviter de me radicaliser. Je suis en effet convaincue que nous avons perdu de vue un certain nombre de nos revendications de départ.
Quoi que l'on puisse penser de la LRU, et loin de moi l'idée de vouloir en faire l'apologie, elle a permis de fédérer les communautés universitaires autour de projets d'établissement forts. Les listes de candidats aux élections des différents conseils sont structurées autour des projets qu'elles portent respectivement pour leur université. Si le principe républicain d'égalité entre les universités françaises demeure, et cela grâce à notre mobilisation pour obtenir la révision du modèle de dotation budgétaire dit SYMPA, il n'est pas contradictoire avec l'affirmation de la spécificité identitaire de chacun des établissements supérieurs d'enseignement et de recherche. Cela fait bientôt deux ans que l'équipe présidentielle met une énergie incroyable à construire le projet d'établissement pour lequel elle a été mise en place. Ce projet d'établissement ne peut se construire qu'avec l'accord, le soutien et la participation de chacun en interne, et, à l'extérieur, avec la reconnaissance des autres institutions et partenaires localement, nationalement et internationalement.

Or que se passe-t-il en ce moment ?
En interne, le Congrès des élus vote des positions qui sont immédiatement remises au vote par les assemblées générales, et les résultats des scrutins des assemblées générales montrent à leur tour que la communauté est divisée en deux camps à peu près équivalents.
Vis-à-vis de l'extérieur, l'UAPV a lancé tout récemment une campagne de publicité autour du thème "Choisir Avignon pour son université". Le calendrier publicitaire coïncide malheureusement avec une période où ladite université ne délivre pas d'enseignements (en tout cas pas officiellement) et n'est pas sûre de pouvoir délivrer des dipômes. Certes, la campagne s'annonçait "décalée" dans son traitement du sujet. De ce point de vue, c'est effectivement réussi. A côté de cela, le Président est chargé de négocier au ministère, ainsi qu'auprès des collectivités territoriales, des investissements dans nos projets. Il rencontre les chefs d'entreprise pour les convaincre du bien-fondé d'embaucher les jeunes diplômés de l'UAPV. Il a beau être communiquant, il n'échappera à personne et surtout pas à ceux avec qui il négocie que la situation actuelle de l'université ne lui facilite pas la tâche. On peut encore ajouter l'annulation des Journées du Futur Bachelier. Et les étudiants Erasmus qui risquent de ne pas nous faire de publicité non plus en rentrant chez eux, en tout cas pas celle que l'on pourrait escompter. Bref, nous menons en ce moment deux stratégies contradictoires. En courant le risque de voir nos effectifs diminuer - sachant que nous sommes cette année à 6500 étudiants, en-deça du seuil des 7000 étudiants, et que chaque centaine d'étudiants compte - nous courons également le risque de voir notre dotation budgétaire diminuer puisqu'elle est pour partie fonction du nombre d'inscrits, et donc de perdre des postes de contractuels.
Or si je me suis engagée dans ce "mouvement" en février, c'était entre autres choses pour protester contre la diminution scandaleuse du budget de l'UAPV et les suppressions de postes.

J'entends bien que d'aucuns admirent telle ou telle autre Université pour ses prises de position. J'entends bien que la Sorbonne a tranché en décidant d'un semestre blanc qui serait donné à tous. Mais voilà, nous ne sommes pas la Sorbonne, ni telle ou telle Université. Nous sommes l'UAPV avec les spécificités, les points forts et les fragilités qui sont les nôtres. De même que nous avons un projet d'établissement original, il nous faut inventer nos propres modes d'action. Des modes d'action qui, si nous voulons rester crédibles, ne soient pas en contradiction avec notre projet d'établissement.

Actuellement, je ne sais pas ce vers quoi nous allons. J'espère simplement que, pour reprendre la définition qu'Hubert Colas donne de l'expérience théâtrale, nous saurons "[re]bâtir du commun avec de l'inconnu".

Bien à vous tous,

Florence March

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Empr. au lat. tardif radicalis « qui tient à la racine, premier, fondamental » dér. de radix, -icis « racine, origine première ».
Ne faut-il pas prendre le probleme a sa source?
n est-il pas necessaire de remettre en question l ensemble des rapports de pouvoir qui existent actuellement dans le systeme de l enseignement et de la recherche? De transformer ce mouvement defensif d une partie des usagers de l universite en une offensive large et efficace?
Pour "rebatir du commun avec de l inconnu", ne serait-il pas une chance extraordinaire que d ouvrir l universite a tous ceux qui le desirent, non-bacheliers et sans papiers inclus?
Ce n'est que par la lutte qu'on pourra collectivement faire de l'université un outil de transformation sociale, où se développeraient librement des pratiques et des idées anti-autoritaires et anti-productivistes, pour se disseminer ensuite dans l ensemble de la societe.

L'amoureux de la Corse a dit…

Pour quelqu'un d'extérieur à la communauté universitaire avignonaise, il y a quand meme quelque chose d'incompréhensible : comment les objectifs de la LRU peuvent fontionner pour des enseignements et des recherches en lettre ? comment valoriser - au sen de quantifier - la recherche en la matière ? comment trouver des financements non publics pour venir faire fonctionner les labos ? le recul de la puissance publique ne laissera-t-il pas pour morts ces départements "non productifs" insusceptibles d'intéresser le secteur privé ?

Par delà les enjeux avignonnais, par de-là la recherche de "pratiques et des idées anti-autoritaires et anti-productivistes" réclamées par le post ci-dessus (mort de rire !), comment voyez-vous ces questions-là ?

Florence March a dit…

L'autonomie des universités ne peut être envisagée, à mon sens, comme un progrès QUE si l'Etat ne se désengage pas. Autonomie et privatisation ne sont pas synonymes et ne doivent pas le devenir. Une université à tout à gagner à gérer un projet d'établissement propre et les ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. Ses missions doivent, toujours à mon sens, rester des missions de service public qu'il faut assurer au plus haut niveau. Cela implique logiquement une évaluation régulière dans le cadre d'une relation contractuelle avec les différents partenaires.

L'amoureux de la Corse a dit…

"Cela implique logiquement une évaluation régulière dans le cadre d'une relation contractuelle avec les différents partenaires" ??? sur quelles bases ? le nombre d'articles publiés ? et de quels partenaires parlez-vous ?

Par ailleurs, je crains un peu, toujours vu de l'extérieur, que l'autonomie dans le recrutement soit synonyme de baronies toujours renforcées. Je ne sais comment vous êtes arrivé à Avignon, mais c'est, me semble-t-il, un problème que l'autonomie totale de recrutement ne pourra qu'aggraver. Or, l'Université reste nationale, jusqu'à aujourd'hui. COmment en sortir ?